lundi 28 mars 2011

Les aventures du Baron Principe de Précaution

Je suis le Baron Principe de Précaution, mais vous pouvez m'appeler Baron, en toute simplicité. Aujourd'hui, je me porte bien. Mais je pourrais me porter mieux.

Mon principal combat : la précaution. Mais pas de n'importe quelle manière. 
La précaution doit devenir (si elle ne l'est pas déjà) un principe. Par principe, on ne déroge pas à un principe (enfin, en principe, tout du moins), ce qui signifie qu'en toutes circonstances, personne de doit déroger à la règle maîtresse de la précaution. 
Laissez-moi vous en donner ma définition, que vous retrouverez assez largement ailleurs : 
Lorsqu'un développement ou une activité apparaît être porteuse d'un risque probable, non encore confirmé, mais dont la possibilité est identifiée, alors il vaut mieux renoncer à cette activité jusqu'à ce que le risque qu'elle engendre puisse être qualifié et contrôlé.
J'ai fait graver cette définition en lettres d'or sur mon blason, ainsi que tous mes ancêtres. Ah, mes ancêtres. J'en suis tellement fier, que je vais vous raconter quelques-uns de leurs combats. Commençons par mon plus vieil ancêtre connu : Adam de Précaution.

Adam de Précaution - Feu le feu
Remontons il y a 450 000 ans. A l'époque, l'homme vit paisiblement en tribus sans faire de mal à son environnement : l'état le plus satisfaisant dans lequel nous ayons jamais connu l'humanité. 
Imaginez : pas de réchauffement climatique, pas d'ondes dans les airs, pas d'OGM, pas de Justin Bieber, le rêve. Bon, bien sûr il y a quelques inconvénients : la couverture sociale est pas géniale, et il faut bien reconnaître que le confort des cavernes était un peu rustique, mais c'était la vraie vie.

Et un beau jour, tout a changé. Toute la tribu était tranquillement au campement, en train de dépecer quelques lapins fraîchement attrapés. Les enfants jouaient à se poker innocemment et à graver des smileys sur les murs de la caverne, la routine, quoi. 
Soudain, un jeune homme revint au campement en faisant grand bruit. Cet homme, nous l'aurions tous détesté. Visualisez-le un instant ; plutôt bellâtre, adorant faire rire les filles, et ayant toujours des idées farfelues en tête (il marmonnait sans cesse que le capital appartenait aux travailleurs, que l'Internationale serait le genre humain... bref des idées sans aucun sens et que personne ne comprenait). En un mot, c'était un progressiste - ce simple mot me fait frémir d'horreur. 
Ce jour-là, il est revenu en triomphe au campement apportant triomphalement un branche en feu. Rendez-vous compte du danger. Non seulement personne ne maîtrisait le feu à cette époque, mais en plus nous en connaissions tous les risques : il peut déclencher des incendies ravageurs que personne ne sait éteindre, il peut faire mal aux enfants qui s'en approchent trop et laisser des séquelles à vie à quiconque le touche.
Malgré ça, ce jeune blanc-bec paradait comme un jeune coq avec sa branche en feu. Il persistait à ne voir qu'une partie du problème, en disant qu'il pouvait faire cuire la viande (alors même que nous l'avions mangée crue depuis des années et que cela n'avait jamais posé de problème), que cela pouvait faire fuir les animaux (alors que nous avions déjà des pointes pour cela), nous réchauffer (alors que les femmes servent à ça) et bien plus encore. Et simplement parce qu'il l'avait fait une fois, il estimait maîtriser le feu. L'insolent...

Encore aujourd'hui, certains individus malhonnêtes veulent vous faire croire que le feu, c'est kikinou.
C'est alors qu'Adam de Précaution, un homme bien comme j'aimerais être quand je serai grand, est intervenu : "Jeune impertinent, déclara-t-il d'un ton majestueux en levant un bras impérial, as-tu seulement envisagé les risques ?". Vous auriez vu la tête de ce petit morveux. Il ne savait tout bonnement plus ou se mettre. Il essaya vaguement de bredouiller un début d'explication, quand Adam de Précaution ajouta : "Faudra-t-il que tu te brûles avant que tu ne jettes cette branche au loin ?".
Mon ancêtre avait gagné la partie, et ne sachant que répondre, la tête-brulée (c'est le cas de le dire) jeta au loin la branche et abandonna l'idée de se servir du feu.

Bon, par la suite, malheureusement, d'autres tribus n'avaient pas un de mes ancêtres pour les rappeler à l'ordre, et le feu fut malheureusement adopté par l'espèce humaine. Mais à quel prix ? L'Homme avait mis le pied dans une spirale progressiste qui l'entraînerait à sa perte.

Eric de Précaution : voila la voile
Faisons un bon dans le temps qui nous amène à 3000 avant Jésus Christ, dans un endroit proche de l'actuelle ville de Singapour. 
A cette époque, la tribu de mon ancêtre, Eric de Précaution, vit paisiblement dans un village côtier, se nourrissant de poissons et de fruits frais, s'habillant de pagnes et de colliers de fleurs (ce qui est un gros avantage quand on vit avec la Mélissa Theuriau de l'époque, mais beaucoup moins quand on vit avec la Christine Boutin de l'époque), bref, en harmonie avec la nature. 
Malheureusement, dans le village vivait un jeune blanc-bec, ce genre de jeune fou qui veut émerveiller les filles avec des inventions à la noix de coco. Son truc favori ; glisser sur les vagues avec une planche en bois. Une activité parfaitement inutile, dangereuse et tape-à-l'oeil, une illustration parfaite de cet individu.
Et v'la-t'y pas qu'un beau jour, ce fanfaron revient au village avec, selon ses termes l'invention du siècle : la voile. Il a fixé des feuilles de palmier tressées sur une pirogue, et prétend pouvoir naviguer sur l'océan sans avoir à pagayer. Il parle d'explorer et coloniser d'improbables îles, alors que cette activité est hautement inutile. Selon ses termes, il a même caréné le fond de sa pirogue, ce qui lui permet de crier à qui veut l'entendre "Tous à voile et on se carène" (phrase qui se déformera par la suite pour être scandée par les milieux étudiants, mais je m'égare...). 

C'est alors qu'intervint mon ancêtre, Eric de Précaution (un homme bien comme ce que je veux être quand je serai grand) : "Oh là, pédant ! As-tu seulement pensé aux risques ?". Paf, le petit morveux était bien mouché par cette phrase bien envoyée. Les risques étaient énormes. On pouvait se faire emporter par le vent sans pouvoir le contrôler, se retrouver bloqué ou perdu au milieu de l'océan, sans compter les multiples dangers non mesurables que l'on pouvait rencontrer sur de nouvelles îles. Qui sait ce que l'on aurait pu trouver ; des peuples hostiles et belliqueux, des maladies contagieuses, des espèces animales dangereuses ?
Puis mon ancêtre Eric ajouta : "Ne te voile pas la face, tu sais quels en sont les risques". (Cette phrase lui a d'ailleurs valu de se faire décerner la légion d'honneur à titre posthume par Nicolas Sarkozy, qui a repris des siècles plus tard ce combat contre les voiles). L'impudent était toqué, mon ancêtre triomphait.

Par la suite, le prénom Eric a souvent été associé à des histoires de voile.
Malheureusement, les dangereux de cette espèce sont monnaie courante, et, certainement par provocation, une tribu voisine reprit bientôt cette dangereuse invention pour courir au devant d'on-ne-sait quels dangers. Et regardez le résultat aujourd'hui : c'est ce qui a permis aux chinois de nous envahir de leurs produits bon marché dès l'Antiquité.


Il y eut une période au Moyen-âge pendant laquelle mes nobles ancêtres ont réussi à tuer dans l'oeuf toute velléité d'innovation dangereuse. Pendant, plusieurs siècles, le principe de précaution a régné en maître sur un monde qui, enfin, se stabilisait. Pas de nouveauté qui entraîne des risques inconnus : le bonheur.

Mais hélas, la spirale du progrès a repris de plus belle, emmenant l'humanité vers des risques sans cesse plus grands, des catastrophes sans cesse plus désastreuses plus l'homme et son environnement. Bien sûr, on pense à Hiroshima, Tchernobyl, le trou dans la couche d'ozone... Celles-ci sont les plus visibles des conséquences des innovations humaines. Mais il y a pire ; celles qui tuent tous les jours, celles dont le risque est encore plus grand. Deux de celles-ci sont de parfaits exemples : l'automobile et l'électricité. Rien de ce que mes ancêtres ont pu faire n'ont su enrayé la situation (il faut dire qu'après 1789, la noblesse avait un peu perdu en popularité en France).

L'automobile est une violation parfaite du principe de précaution. Elle a engendré une hausse dramatique des émissions de gaz à effet de serre, elle tue directement 1,3 millions de personne dans le monde chaque année, et en blesse près de 50 millions, selon l'OMS. Et tout le monde trouve ça normal. 
Il en est de même pour l'électricité : malgré le fait qu'elle représente un danger mortel dans chaque maison, et que sa production soit la principale cause du réchauffement climatique (avec l'automobile), personne ne pense à la remettre en cause. Mon ancêtre de l'époque, pourtant bien au courant des risques (et là, je me gausse), n'a su empêché le courant de continuer sur un mode alternatif.
Ah, si seulement à l'époque on avait appliqué à la lettre le principe de précaution ; aujourd'hui on serait bien mieux. 
Un des effets néfastes de l'électricité : la coiffure d'Alain Souchon.
Mais il n'est pas encore trop tard. Dès aujourd'hui, nous pouvons :
  1. Appliquer strictement le principe de précaution pour toutes les nouveautés actuelles et futures. Est-il encore besoin de le démontrer, nous n'avons besoin d'aucune nouveauté, puisque jusque là, on s'en sortait très bien. Appliquons le principe de précaution de manière systématique et obligatoire : moratoires, attentes, interdictions, n'hésitons surtout pas à condamner la nouveauté. A l'avenir, jugeons une nouveauté à ses risques, et ne prenons surtout pas en compte les améliorations qu'elle pourrait apporter. C'est ce que font déjà certains groupes écologistes, c'est bien, mais il faut continuer.
  2. Revenir en arrière. Toutes ces inventions diaboliques dont les conséquences sont désastreuses pour l'homme et l'environnement ne servent à rien. On vivait mieux avant, et le progrès n'est qu'une belle idée créée de toutes pièces pour masquer les risques. Bannissons dès aujourd'hui le nucléaire, le pétrole, la voiture, l'électricité, la voile, le feu, tout ! C'est ce que réclament les partisans de la décroissance : je suis de tout coeur avec eux.
Mon combat est un combat de tous les instants, et je vous invite à m'y rejoindre. Enfin, si on améliorait nos conditions de vie en innovant, et si prendre des risques quels qu'ils soient pouvait améliorer notre quotidien, ça se saurait. Non ?

samedi 19 mars 2011

Une union pas très catholique

Ces dernières semaines, les politiques ont été soumis à de très vives pressions. Un sujet a en effet mobilisé l'attention générale, mettant l'ensemble des partis politiques à contribution pour faire avancer le débat national.
Il s'agit bien sûr de... quoi ? qui a dit "La Lybie" ? Non, bien sûr. "Le Japon" ? Toujours pas... Mais enfin, il s'agit bien évidemment des élections cantonales !

Les élections cantonales, attendues depuis plusieurs années par l'ensemble du peuple français, soumettent les partis à une vive pression, et les contraignent à faire des annonces importantes pour satisfaire leurs électeurs. Vous en doutez ? Hommes de peu de foi ! J'en ai ici la preuve.
Ces dernières semaines, en effet, le débat  sur la laïcité a été volontairement déformé à des fins électorales.
Ah, c'est pas une preuve ça ? Le communiqué de l'Union pour un Mouvement Populaire (si si, populaire) commence par cette phrase, qui montre que "en effet", le débat sur la laïcité lui aussi s'est fait entraîné dans les engrenages des enjeux électoraux. 
J'entends encore une voix au fond de la salle : "Les enjeux, qui sont ?". Eh bien, d'élire les conseillers généraux. Qui eux mêmes, pourront... eh bien, donner des conseils d'ordre général, ce qui est quand même vachement pratique. Maintenant j'aimerais que l'on cesse de m'interrompre.

Un bureau de vote des élections cantonales à l'heure de pointe. Les élections cantonales passionnent autant les Français que le curling, ce qui n'est pas peu dire.
Notez bien qu'à la base, le débat sur la laïcité était vierge de toute pensée électorale, quoi que vous en pensiez, bande de mécréants.

Bon, maintenant que l'on aborde le sujet, sachez qu'en France, la laïcité, ça s'applique surtout aux Musulmans.  Si j'en crois mon dictionnaire, la laïcité désigne "la séparation dans un Etat de la société civile et de la société religieuse". Eh oui, c'est tout. La laïcité n'a jamais impliqué de ne pas devoir montrer de signes religieux extérieurs, ni de faire en sorte que les burgers de Quick ne soient pas hallal... 

Dans le cadre de ce débat, l'UMP a décidé de créer une section spéciale de son parti pour les musulmans, l'Union des Musulmans de France. Attendez, créer une section politique d'un parti dont le principal critère d'admission est la religion, ne serait-ce pas exactement le contraire de la définition de la laïcité ? Séparer les religions et la politique en créant une section politique religieuse, voilà qui me laisse perplexe. Mais c'est peut-être fait pour alimenter le débat, après tout.
Certains adversaires politiques ont essayé de faire croire à nos compatriotes Français musulmans que ce débat stigmatisait l’Islam. C’est une manipulation politique qui consiste à laisser entendre que ces débats portant sur de vrais sujets de société, la laïcité, la sécurité, l’intégration seraient faits pour isoler le monde musulman de la communauté nationale.
Alors là je m'insurge. Certains adversaire politiques auraient essayé de faire une chose pareille ? Tout ça pour nous détourner des vrais sujets de société : la laïcité, la sécurité et l'intégration (que l'on mélange allègrement, comme un immense couscous). L'économie, le respect et la tolérance, c'est pas vraiment des vrais sujets de société, par contre.
Aujourd’hui comme hier, la seule problématique réside dans la capacité des Français musulmans à s’intégrer dans la République.
Voila une phrase intéressante, qui nous dit de manière à peine voilée (à peine, parce que complètement voilée, c'est interdit par la loi) que les musulmans ont du mal à s'intégrer dans la République, comme on le voit de manière évidente en Lybie. Parce que vous avez beau être Français depuis 15 générations, si vous êtes musulmans, vous aurez du mal à vous intégrer dans la République, on ne peut pas imaginer qu'étant musulmans, vous soyez déjà intégrés.

Voila ce qui est arrivé aux derniers musulmans qui ont mis les pieds en France. Alors si historiquement, on pouvait être Français ET musulman, ça se saurait.
Voilà pourquoi l’Union des Français musulmans lance un appel pressant à tous nos compatriotes :

• pour affirmer la compatibilité entre l’Islam et la laïcité
Y en a-t-il qui en douteraient encore ?
• pour exhorter l’ensemble des musulmans de France sans distinction des pays d’origine à se mobiliser dans un processus de solidarité et d’intégration dans le respect des valeurs de la République
C'est ce que je vous disais quelques lignes plus hauts, qui dit musulman, dit "pays d'origine". Un musulman qui soit Français d'origine française, ça ne se peut pas. C'est comme dire "arabe démocratique" ou "Africain travailleur", ça ne va pas ensemble.
Elle se fixe comme principal objectif le rassemblement des associations sociales, économiques, et culturelles, des leaders d’opinion, et des personnalités franco musulmanes... etc
Et là, on atteint le summum de ce communiqué. On nous parle (le terme y est 2 fois) de personnalités franco-musulmanes... Eh oui, depuis quelques temps, musulman est devenu une nationalité. Un endroit fabuleux appelé "Musulmanie" délivre désormais des passeports musulmans à tous les bougnoules ceux qui se revendiquent de la religion musulmane. D'ailleurs, ça permettra de retirer la nationalité française à d'avantage de monde, puisqu'il leur restera la nationalité musulmane.
Notez qu'on dit plus rarement franco-chrétiens, franco-bouddhiste, franco-athée ou franco-fidèle-de-l'Eglise-de-Jésus-Christ-et-des-Saints-des-derniers-jours. Ça dénoterait. Par contre, franco-musulman, ça passe comme une lettre à la poste. Et encore une fois, on mixe religion et nationalité comme le couscous de tout à l'heure qui commence à être sacrément mélangé. Un exemple de "laïcité" au sens propre, ce communiqué.

Remarquez, moi, je suis Français non pratiquant. Par contre, je connais des personnalités franco-basanées tout à fait sympathiques. Mais je m'égare.
Quelle est la signification de UMP déjà ? M'est avis qu'ils ne devraient pas tarder à retirer le P...

vendredi 11 mars 2011

Ces êtres qui nous ressemblent

D'habitude, je n'aime pas les théories du complot.
Vous savez, ces idées farfelues comme quoi les Américains ne sont jamais allés sur la lune, comme quoi les francs-maçons dirigent le monde, ou comme quoi la République Démocratique du Congo ne serait pas démocratique. 99% du temps, il s'agit de fadaises bien creuses que seuls les crédules, les simples d'esprits, et les candidates de Miss France prennent au sérieux.

Pourtant, une de ces histoires semble vraie. Plus on creuse, et plus les preuves en deviennent évidentes : ils ont pris le pouvoir. Ils ont phagocyté les institutions, les associations, les gouvernements, les partis politiques, les amicales de pétanque de Corville-sur-Bretou, et se sont insinués jusque dans leurs moindres ramifications. Organisés, puissants, nombreux, ils sont merveilleusement bien infiltrés dans les populations. Et le plus fabuleux, c'est qu'en sus d'avoir pris le pouvoir de manière absolue et totale, ils ne s'en cachent pas : ils le font au vu et au su de tous. 

Mais qui sont-ils ? 
Ce groupe est pire que les francs-maçons, les chinois et les extra-terrestres réunis : il s'agit des VIEUX.

Regardez autour de vous, la vérité vous apparaîtra éclatante. Les présidents, les hommes politiques, les chefs de partis, les députés (quand ils sont là), les directeurs d'entreprises, les gens du conseil d'administration, les généraux, les officiers de police... et la liste est aussi longue qu'un mandat présidentiel en Corée du Nord (cette expression ne marche plus avec l'Egypte, la Tunisie et la Lybie). Quasiment tous des vieux. Et tout le monde trouve ça normal. 
Leur but : garder le pouvoir et améliorer les conditions des vieux, pour créer un nouveau monde de vieux. 

Que ce soit dans les cabinets ministériels ou dans les conseils d'administration, ça respire la jeunesse.
Mais prenons un instant le temps de s'attarder sur ces êtres qui nous ressemblent, mais pourtant pas tant que ça : le vieux.

Le vieux : classification
Il existe encore de nombreux débats sur la classification biologique du vieux. Proche par bien des aspects de l'Homme, il s'en distingue pourtant par bien d'autres. Sous-espèces, branche voisine, ou espèce complètement différente, le débat reste entier. D'autant plus que la définition même du vieux est encore sujette à débats. Il est cependant généralement tenu pour acquis que le vieux descend de l'homme, à défaut de pouvoir descendre les escaliers.

Mode de locomotion
Le vieux se déplace lentement, sur deux pattes au début de sa vie de vieux, puis doit recourir à différents artéfacts pour pouvoir continuer à se déplacer, jusqu'au moment où, passant de l'état solide à l'état liquide (avec des passages temporaires et odorants à l'état gazeux), il cesse complètement de se déplacer.

On a cependant chronométré des vieux à 2 ou 3 fois leur vitesse normale de déplacement certains jours de verglas.
On pourrait penser que les difficultés à se déplacer du vieux l'auraient désavantagé dans la sélection naturelle, puisqu'il a en effet bien du mal à se déplacer assez vite pour fuir un homme équipé d'une pelle, par exemple. Pour autant, le vieux a su faire jouer son intelligence machiavélique pour s'assurer une place de choix dans la société.

Alimentation
Le vieux est omnivore, mais mou. Il mange d'à peu près tout, du moment que ça ne soit pas trop dur. Certaines études tendraient d'ailleurs à prouver que l'organe reproducteur du vieux se ramollirait proportionnellement à sa nourriture...


Reproduction
La reproduction des vieux est encore mal connue. Déjà parce que les volontaires pour étudier ce sujet sont peu nombreux (et on les comprend). Après avoir longtemps cru qu'ils ne se reproduisaient pas, il a été récemment découvert, que si, un peu quand même, parfois. 
Il faut bien différencier ici le vieux femelle, appelée vieille, du vieux mâle. Alors que la vieille apparaît tout à fait incapable de donner naissance à un petit vieux, certains mâles vieux paraissent en capacité de se reproduire lorsqu'ils s'accouplent avec une jeune humaine. Cela dit, tous les mâles vieux n'en sont pas capables. Une récente étude d'un groupe de chercheurs en gérontologie du CNRS tendrait à expliquer cette différence : seuls les vieux ayant plus de 6 chiffres sur leur compte en banque seraient en mesure de s'accoupler avec des jeunes humaines. Bien que le rapport entre biologie et finance puisse paraître surprenant au premier abord, les chiffres sont tout à fait parlants. 
Et nous tenons là un des plus beaux mystères de la science : bien qu'ils ne se reproduisent pas entre eux, les vieux semblent être de plus en plus nombreux.

Le vieux ne se reproduit pas... et on le comprend.

Occupations
Le vieux ordinaire ne travaille pas pour se nourrir. Ceci est du au fait qu'il soit redoutablement bien représenté dans les instances dirigeantes. Il a donc beaucoup de temps pour lui, qu'il ne met cependant pas à profit pour faire des choses constructives. 
Le vieux aime généralement occuper son temps devant Plus belle la vie (ce qui nous prouve que le cerveau du vieux ramollit également proportionnellement à son pénis sa nourriture), à jouer au scrabble, ou à se regrouper pour les fêtes de départ de ses congénères, aussi appelés enterrements.
Le vieux aime aussi beaucoup se rappeler (quand il le peut) du vieux temps, la plupart du temps pour critiquer le monde actuel. N'hésitez pas alors à faire une petite reconstitution de la bataille de Normandie, juste pour leur rappeler combien effectivement, c'était mieux avant.

Prédateurs
Le vieux compte peu de prédateurs naturels. Cela dit, on a noté que les voitures, êtres joueurs s'il en est, aimaient à chasser le vieux à leurs heures perdues, leur terrain de chasse favori étant les passages pour piétons.

Un des prédateurs naturels des vieux.

Conservation du pouvoir
C'est là qu'est tout le génie des vieux : malgré une inutilité flagrante, ils ont réussi à obtenir des conditions à pâlir d'envie, leur permettant de mener une existence aussi calme et paisible qu'un encéphalogramme de Steevy Boulay.
Cette stratégie passe par plusieurs canaux. L'acceptation des vieux dans la société en est un des axes forts, qui s'appuie sur un lobbying discret auprès des jeunes, une banalisation et une mise en lumière de la vieillesse dans les médias (Jean-Pierre Pernault, si tu nous lis...) et surtout, un cloisonnement des jeunes.
Les jeunes représentent en effet un danger important pour les vieux : il pourraient prendre le pouvoir et ainsi préparer leur avenir, ce serait dommage. Il est donc important de les cloisonner, et de les considérer avant tout comme des jeunes, une catégorie à part. C'est pour cette raison que les jeunes sont confinés dans des sections jeunes dans les partis politiques, dans des emplois jeunes au sein du monde professionnel... De cette manière, ils comprendront avec le temps qu'on ne monte pas en importance en fonction de ses compétences, mais d'abord en fonction de son âge, appelé expérience pour l'occasion.

FAQ
Pour finir, je vous propose de répondre aux nombreuses questions qui m'ont été posées sur les vieux, et notamment sur les vieux de compagnie, pour ceux qui en auraient un chez eux.

J'ai acheté un vieux, mais je regrette depuis mon achat ; comment puis-je le rendre utile ?
Un vieux peut s'avérer très utile, à condition d'avoir un peu d'imagination. Si le vôtre est déjà passé à l'état liquide, n'hésitez pas à vous en servir pour faire la vaisselle, ou pour humidifier le sol avant de le laver. N'oubliez cependant pas de rajouter du produit.

Mon vieux a des problèmes de mémoire, faut-il s'en inquiéter ?
Non, bien au contraire. Profitez-en pour lui demander tous les 3 jours de vous verser sa pension logement, ou pour lui repasser en boucle les épisodes pré-enregistrés d'Amour, Gloire, Nature et Tradition.

Des vieux m'empêchent de monter dans la hiérarchie de mon entreprise, comment puis-je faire ?
Quelques simples tours devraient suffire. Se cacher derrière la photocopieuse et en sortir bruyamment au moment où un d'eux arrive devrait déjà vous permettre de libérer quelques places. Si cela ne suffit pas, n'hésitez pas à profiter de la prochaine alarme incendie et vraiment mettre le feu au bureau pour voir s'ils arrivent à sortir assez vite du bâtiment. Ou si votre entreprise a une filiale au Japon, ça devrait également faire l'affaire.

Mon vieux ne bouge plus et commence à sentir fort. Que faire ?
Méfiez-vous des odeurs, la plupart du temps, c'est normal. Le mieux est alors de le toucher, pour vérifier sa raideur. Comme nous l'avons vu tout à l'heure, le vieux a naturellement tendance à ramollir plutôt qu'à raidir. S'il est raide, alors votre vieux est cassé. Remplacez-le par un autre.

jeudi 3 mars 2011

Initiative malheureusement vraie

490 avant Jésus Christ, quelque part dans l'empire Perse, un jeune général ambitieux du nom de Datis se présente à l'empereur Darius Ier. 
En guerre contre les Grecs, les Perses s'apprêtent à donner un grand coup d'arrêt aux forces militaires ennemies. Plus personne ne sait très bien pourquoi ils sont en guerre ; certains disent que la récente victoire d'Athènes aux jeux d'Olympie les place juste derrière les Perses dans le classement international sportif (et qu'avoir des Grecs derrière soi précède en générale une perte de virginité anale douloureuse, d'où un bon motif pour entrer en guerre), d'autres disent qu'ils avaient vendu des sandwiches avariés au frère de Darius, d'autres encore, que la grande quantité de produits financiers toxiques détenue par le gouvernement d'Athènes menaçait le cours du Drachme... Bref, c'était très grave.

En tous cas, le général Datis se présente ce matin là à Darius Ier, car il a trouvé un bon lieu pour débarquer ses troupes. 
- Votre Majesté, je crois que nous tenons enfin la bonne plage pour débarquer nos troupes.
- Et quelle est-elle, cette plage ?
- Je me dois de la tenir secrète, votre Majesté ; je ne voudrais pas courir le risque que nos ennemis la découvre avant nous. Sachez juste qu'elle se situe à un peu plus de 42 km d'Athènes. Pour découvrir son nom avec cette seule indication, vous pouvez toujours courir.
- Je vous fais confiance, général. Pour le débarquement, je vous laisse le choix dans la date, Datis (Darius Ier était un sacré déconneur, qui aimait les contrepèteries).
- Merci votre Majesté. Je vous en remercie.

Datis prit donc l'initiative de faire débarquer les troupes à Marathon, et se prit une branlée digne de celle d'un match Iles Féroé - Nouvelle Zélande en rugby. Il venait d'inventer le concept de l'initiative malheureuse. 
Depuis, ce concept se porte bien, merci. 

On pense bien sûr, à Gavrilo Princip, qui assassina François Ferdinand à Sarajevo en 1914 en pensant que "ce sera sans conséquence", à l'amiral Kimmel, qui décida de faire mouiller la flotte américaine dans la baie de Pearl Harbor en décembre 1941, ou plus récemment à Gérard Schivardi, qui décida de se présenter à la présidence de la France. Autant d'initiatives malheureuses qui font entrer leurs acteurs au Panthéon de l'incompétence au son des trompettes de la médiocrité.

Franz Reichelt, le presqu'inventeur du parachute, en couverture de "Exemples d'initiatives malheureuses à travers l'histoire, Vol III" - 1300 pages.

Mais, hors ces quelques exemples célèbres, certaines personnes continuent avec un entrain stupéfiant à faire vivre ce concept, par de brillantes initiatives. En France, on a même créé un poste pour récompenser les gens qui font ce genre de choses ; ça s'appelle "Conseiller auprès de l'Education nationale". Rappelez-vous du dernier appel de ces gens-là. Et bien, à peine remis de leur dernière idée, ils remettent le couvert.

Cette fois-ci, ils ont eut une idée géniale pour éviter le redoublement. Rien que ça. Retournons un peu dans le temps pour voir comment est née cette idée révolutionnaire.
Mardi matin, 10h15, début de la journée au Ministère de l'Education Nationale.
- Bonjour messieurs les conseillers, et merci d'être venus. Le sujet du jour est important, nous avons fait une découverte importante : les bons élèves ne redoublent pas, seuls les mauvais élèves redoublent.
- Bon sang, c'est pourtant vrai !
- Du coup, pour diminuer le taux de mauvais élèves, il suffit de diminuer le redoublement. Messieurs, j'attends vos idées.
Le silence se fait autour de la table, chacun trouvant subitement plus opportun de refaire son lacet de chaussure plutôt que de s'exprimer.
- Je crois que j'ai une idée, s'écrie soudainement Jean-Julien Leventru. Il y a des collèges dans lesquels il y a plus de redoublement que d'autres, c'est ça ? 
- Tout à fait Jean-Juju, les statistiques sont formelles.
- Bien. Quand un enfant fait une mauvaise chose, on le punit, pour lui montrer que ce n'est pas bien. Et après, il ne le refait plus. Vous me suivez ?
La salle acquiesça silencieusement.
- Eh bien, on n'a qu'à punir ces établissements, puisque ce ne sont pas des bons exemples. Comme ça, ils s'amélioreront.
Le raisonnement était puissant (du moins, de l'avis des autres conseillers). Il fut donc immédiatement décidé de l'appliquer sur une région test.

Nom de nom ! Revoilà l'équipe des conseillers de l'Education Nationale au grand complet.

Le raisonnement puissant des endives du ministère ne s'est pas arrêté là. Bien loin d'imaginer que lorsque qu'un collège a beaucoup de redoublants, c'est peut-être à cause des élèves, ou d'un manque de temps ou de moyens, ils ont également dû beaucoup plancher sur la sanction à appliquer. Ils ont en effet décidé que les collèges qui avaient le plus de redoublants auront leurs moyens diminués pour l'année d'après : moins d'heures leur seront attribuées. A l'inverse, les collèges dans lesquels tout va bien auront plus d'heures d'année en année. Ben oui, parce que c'est bien connu que moins on a de temps à consacrer aux étudiants, mieux ces derniers vont réussir. Les heures d'enseignement, ça ne sert à rien, et surtout pas à améliorer le niveau des étudiants.
Et d'ailleurs, comment récompense-t-on les établissement vertueux ? En leur attribuant des heures supplémentaires. Qui ne servent pas à améliorer le niveau des élèves, donc pas à grand chose. Mais c'est une récompense quand même... Dites-moi, ce ne serait pas un peu bancal comme raisonnement ?

Prenons maintenant un exemple pratique. Imaginons le principal d'un collège qui a eu des très mauvais résultats l'année passée. Il a donc moins d'heures à attribuer à ses enseignants, qui se plaignent continuellement qu'ils ont besoin de plus de temps pour améliorer le niveau de leurs élèves. Les malappris ! Ils n'ont donc rien compris. Si leurs élèves sont mauvais, ce n'est pas de la faute de ces charmants bambins, ni du manque de temps ou de moyens : c'est de la faute des professeurs, qui n'ont pas assez cherché de bonnes idées pour diminuer le redoublement (je vous jure que c'est ce qui est marqué dans l'article).

Maintenant, que fait ce charmant directeur d'établissement ? Pensez-vous qu'à un seul moment il n'envisage de  faire passer en classe supérieure des élèves qui ont le niveau de 2 classes en dessous pour diminuer le taux de redoublement dans son collège ? Nenni ! Si vous avez imaginé cela, vous avez l'esprit bien retors. Ou alors, vous êtes simplement un brin plus futé qu'un conseiller de l'Education Nationale, au choix... 

L'insigne de l'ordre des conseillers de l'Education Nationale.


Parce que, voyez-vous, les chefs d'établissement vont certainement se creuser la tête pour imaginer des moyens innovants pour diminuer le taux de redoublement. Comme quoi par exemple ? Parce que je me demande bien ce que les conseillers ont en tête, comme exemple de "nouvelles solutions pour éviter les redoublement". 
Pour ceux qui manqueraient d'idées, je me permets d'en proposer quelques-unes :

  • la chaise piégée. Un élève vous ennuie ? Vous sentez qu'il risque de ne pas passer en 3ème alors qu'il a déjà 17 ans ? Aucun problème. Disposez notre pack "Bombe de chaise" sous la chaise du charmant bambin. Le pack "Bombe de chaise" se déclenche à distance et vous garantit une atomisation parfaite du sujet à éparpiller. Avantage : vous avez de bonnes chances de toucher d'autres cancres si le pack est placé au fond de la classe. Inconvénient : on risque quand même de vous poser quelques questions.
  • la propagande. Plus fine que la méthode précédente, mais également plus fourbe, cette méthode consiste à faire migrer vos mauvais élèves vers un établissement voisin. Pour cela, faites circuler discrètement des rumeurs rapportant que les profs du collège voisin donnent vachement moins de devoirs, qu'on peut y fumer peinard dans les toilettes du premier étage, et que les filles de troisième ont des seins énormes sans avoir besoin de rembourrer leur soutien-gorge avec du coton. En quelques semaines, 60% des cancres devraient avoir migré vers le collège voisin. Attention, méfiez-vous ; le directeur du collège concerné aura vite fait d'effectuer un retour à l'envoyeur s'il soupçonne une quelconque manoeuvre de votre part.
  • les élèves fictifs. Pour faire diminuer le pourcentage de redoublement, n'hésitez pas à gonfler artificiellement le nombre d'élèves dans votre établissement. Pour plus de détails sur les moyens de créer des élèves fictifs, je vous conseille de contacter Jacques C., jeune retraité et qui a expérimenté avec succès des méthodes similaires à la mairie de Paris.
Voila quelques bonnes idées que les conseillers de l'Education Nationale brûlent d'envie de vous voir mettre en place.

Le pack Chaise Piégée disposé sous un banc d'une cour de récré.

Pour finir, je propose également un spot radio publicitaire pour aider l'Education Nationale à recruter ses conseillers:
"On vous dit souvent que vous avez le QI d'une huître, mais vous pensez que c'est faux ? Vous avez souvent des idées innovantes, que personne avant vous n'avait imaginées ? Votre entourage ne comprend pas souvent vos idées, pourtant géniales ? Vous rêvez de travailler avec des gens qui vous ressemblent ? De pouvoir donner vie à vos idées ? Un métier est fait pour vous : devenez conseiller de l'Education Nationale. Attention, offre soumise à conditions et test de QI préalables."

Avec ça, nul doute que l'Education Nationale restera longtemps à la pointe de l'innovation en termes d'initiatives malheureuses.
Tiens, à propos, savez-vous ce qu'est devenu le général Datis après la bataille de Marathon ? Eh bien, il est devenu conseiller de l'Education Nationale Perse. Et avez-vous déjà entendu parler des écoles perses ? Non ? Eh bien, c'est sans doute pour ça...