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samedi 19 mars 2011

Une union pas très catholique

Ces dernières semaines, les politiques ont été soumis à de très vives pressions. Un sujet a en effet mobilisé l'attention générale, mettant l'ensemble des partis politiques à contribution pour faire avancer le débat national.
Il s'agit bien sûr de... quoi ? qui a dit "La Lybie" ? Non, bien sûr. "Le Japon" ? Toujours pas... Mais enfin, il s'agit bien évidemment des élections cantonales !

Les élections cantonales, attendues depuis plusieurs années par l'ensemble du peuple français, soumettent les partis à une vive pression, et les contraignent à faire des annonces importantes pour satisfaire leurs électeurs. Vous en doutez ? Hommes de peu de foi ! J'en ai ici la preuve.
Ces dernières semaines, en effet, le débat  sur la laïcité a été volontairement déformé à des fins électorales.
Ah, c'est pas une preuve ça ? Le communiqué de l'Union pour un Mouvement Populaire (si si, populaire) commence par cette phrase, qui montre que "en effet", le débat sur la laïcité lui aussi s'est fait entraîné dans les engrenages des enjeux électoraux. 
J'entends encore une voix au fond de la salle : "Les enjeux, qui sont ?". Eh bien, d'élire les conseillers généraux. Qui eux mêmes, pourront... eh bien, donner des conseils d'ordre général, ce qui est quand même vachement pratique. Maintenant j'aimerais que l'on cesse de m'interrompre.

Un bureau de vote des élections cantonales à l'heure de pointe. Les élections cantonales passionnent autant les Français que le curling, ce qui n'est pas peu dire.
Notez bien qu'à la base, le débat sur la laïcité était vierge de toute pensée électorale, quoi que vous en pensiez, bande de mécréants.

Bon, maintenant que l'on aborde le sujet, sachez qu'en France, la laïcité, ça s'applique surtout aux Musulmans.  Si j'en crois mon dictionnaire, la laïcité désigne "la séparation dans un Etat de la société civile et de la société religieuse". Eh oui, c'est tout. La laïcité n'a jamais impliqué de ne pas devoir montrer de signes religieux extérieurs, ni de faire en sorte que les burgers de Quick ne soient pas hallal... 

Dans le cadre de ce débat, l'UMP a décidé de créer une section spéciale de son parti pour les musulmans, l'Union des Musulmans de France. Attendez, créer une section politique d'un parti dont le principal critère d'admission est la religion, ne serait-ce pas exactement le contraire de la définition de la laïcité ? Séparer les religions et la politique en créant une section politique religieuse, voilà qui me laisse perplexe. Mais c'est peut-être fait pour alimenter le débat, après tout.
Certains adversaires politiques ont essayé de faire croire à nos compatriotes Français musulmans que ce débat stigmatisait l’Islam. C’est une manipulation politique qui consiste à laisser entendre que ces débats portant sur de vrais sujets de société, la laïcité, la sécurité, l’intégration seraient faits pour isoler le monde musulman de la communauté nationale.
Alors là je m'insurge. Certains adversaire politiques auraient essayé de faire une chose pareille ? Tout ça pour nous détourner des vrais sujets de société : la laïcité, la sécurité et l'intégration (que l'on mélange allègrement, comme un immense couscous). L'économie, le respect et la tolérance, c'est pas vraiment des vrais sujets de société, par contre.
Aujourd’hui comme hier, la seule problématique réside dans la capacité des Français musulmans à s’intégrer dans la République.
Voila une phrase intéressante, qui nous dit de manière à peine voilée (à peine, parce que complètement voilée, c'est interdit par la loi) que les musulmans ont du mal à s'intégrer dans la République, comme on le voit de manière évidente en Lybie. Parce que vous avez beau être Français depuis 15 générations, si vous êtes musulmans, vous aurez du mal à vous intégrer dans la République, on ne peut pas imaginer qu'étant musulmans, vous soyez déjà intégrés.

Voila ce qui est arrivé aux derniers musulmans qui ont mis les pieds en France. Alors si historiquement, on pouvait être Français ET musulman, ça se saurait.
Voilà pourquoi l’Union des Français musulmans lance un appel pressant à tous nos compatriotes :

• pour affirmer la compatibilité entre l’Islam et la laïcité
Y en a-t-il qui en douteraient encore ?
• pour exhorter l’ensemble des musulmans de France sans distinction des pays d’origine à se mobiliser dans un processus de solidarité et d’intégration dans le respect des valeurs de la République
C'est ce que je vous disais quelques lignes plus hauts, qui dit musulman, dit "pays d'origine". Un musulman qui soit Français d'origine française, ça ne se peut pas. C'est comme dire "arabe démocratique" ou "Africain travailleur", ça ne va pas ensemble.
Elle se fixe comme principal objectif le rassemblement des associations sociales, économiques, et culturelles, des leaders d’opinion, et des personnalités franco musulmanes... etc
Et là, on atteint le summum de ce communiqué. On nous parle (le terme y est 2 fois) de personnalités franco-musulmanes... Eh oui, depuis quelques temps, musulman est devenu une nationalité. Un endroit fabuleux appelé "Musulmanie" délivre désormais des passeports musulmans à tous les bougnoules ceux qui se revendiquent de la religion musulmane. D'ailleurs, ça permettra de retirer la nationalité française à d'avantage de monde, puisqu'il leur restera la nationalité musulmane.
Notez qu'on dit plus rarement franco-chrétiens, franco-bouddhiste, franco-athée ou franco-fidèle-de-l'Eglise-de-Jésus-Christ-et-des-Saints-des-derniers-jours. Ça dénoterait. Par contre, franco-musulman, ça passe comme une lettre à la poste. Et encore une fois, on mixe religion et nationalité comme le couscous de tout à l'heure qui commence à être sacrément mélangé. Un exemple de "laïcité" au sens propre, ce communiqué.

Remarquez, moi, je suis Français non pratiquant. Par contre, je connais des personnalités franco-basanées tout à fait sympathiques. Mais je m'égare.
Quelle est la signification de UMP déjà ? M'est avis qu'ils ne devraient pas tarder à retirer le P...

mardi 23 novembre 2010

Voila le voile

6h30, Paris s'éveille, et Aïcha aussi. Le gazouillis des oiseaux vient résonner dans sa chambre à coucher qu'envahissent les premiers rayons du soleil (en vrai, ce serait plutôt le bruit des embouteillages et les gaz d'échappement, mais ce récit est une fiction, ce qui laisse toute liberté à l'auteur quand aux décors choisis).
Ce matin est particulier pour Aïcha ; non seulement c'est la rentrée des classes, mais en plus, c'est sa première rentrée au lycée français.
Aïcha vient d'Oman (nom d'un Sarkozy petit bonhomme, c'est quoi ce truc ? C'est pas l'Alliance Militaire de l'Atlantique Nord ? Non, ça c'est l'OTAN ? Mais alors c'est quoi l'Oman ? Un pays ? Pour de vrai ?). Elle et sa famille viennent d'arriver en France, grâce au visa que leur a facilement accordé l'administration (c'est une fiction, tout est possible ; en vrai tout le monde sait bien qu'avec un nom comme Aïcha et une tête d'arabe comme la sienne, elle n'aurait pas eu de visa). Son père Mohammed, a été promu au sein de la boîte française pour laquelle il travaillait en Oman, et s'est vu proposer un poste à Paris. La famille entière est très honorée d'arriver en France et de s'y installer ; quelle promotion !

Pour son premier jour de classe, elle choisit avec soin ses habits. Elle sort sa plus belle abaya, une abaya noire bordée de couleurs vives, et son hijab favori, aux couleurs assorties. Elle ajuste son hijab à mi-tête, de manière à laisser voir la moitié de ses cheveux, comme c'est la mode dans les lycées de Mascatte, et part pour le lycée. Elle est stressée car son français n'est pas excellent ; elle a eu beau travailler tout l'été, il lui manque encore du vocabulaire et elle bute trop souvent sur les mots. Pour s'entraîner, elle regardait la chaîne d'information en français qu'ils recevaient en Oman ; du coup elle maîtrise parfaitement le vocabulaire relatifs aux grèves, aux protestations, et à la fabrication des jouets en bois à Bouilly-en-Gros (il s'agissait du 13 heures de Pernaut, vous l'aurez compris).
On lui a dit qu'apprendre le français était indispensable, car les Français parlent très mal anglais. Et surtout, ils exigent qu'on leur parle français, preuve que c'est un peuple très fier. Ah, si tous les étrangers qui viennent en Oman devaient parler son dialecte... Déjà, s'ils parlaient arabe, ce serait déjà un début.

En arrivant en vue du lycée, Aïcha commence à croiser les premiers élèves. Un garçon en particulier attire son attention. Il porte son pantalon à moitié baissé, et on lui voit son caleçon. Il arbore un portrait de Che Guevara sur son sac en bandoulière, et un portrait de Staline sur son T-Shirt. Si elle se souvient bien de ses leçons d'histoire, Staline était un dictateur qui a fait déporté de nombreuses personnes ; elle trouve cela surprenant qu'on puisse vouloir avoir sa tête sur ses vêtements. La France doit vraiment être un pays très libre pour qu'on ait le droit d'avoir le portrait d'un dictateur sur ses vêtements.

Contrairement aux signes religieux, les signes de connerie sont très bien tolérés dans les collèges et les lycées.

Aïcha remarque également une autre fille, qui a l'air d'être aussi perdue qu'elle. Apparemment, elle vient d'Inde, puisqu'elle est drapée dans un sari aux couleurs chatoyantes. Elle doit également être hindoue, puisqu'elle porte le tilak, ce point rouge au centre du front, signe d'appartenance à la communauté hindoue.

En passant la grille du lycée, le surveillant s'adresse à Aïcha, la montre brièvement du doigt et déclare ; "Si j'étais toi, j'enlèverais ça. Tu vas avoir des problèmes." Aïcha ne comprend pas bien le sens de sa phrase, et se contente de continuer son chemin.

En entrant dans la salle de classe, elle constate que l'Indienne et le jeune homme au caleçon apparent et aux idoles communistes sont également dans sa classe. Elle aperçoit aussi un jeune homme au fond de la classe, qui porte les papillotes juives (ces longues mèches de cheveux que les juifs orthodoxes portent de chaque côté du visage). Quelle bonheur que des gens de différentes religions puissent cohabiter pacifiquement dans un même pays.

Après avoir fait l'appel, la professeur d'histoire-géo, une grosse dame à l'allure peu sympathique et qui ressemble à Martine Aubry (c'est vous dire !), s'adresse à Aïcha, et lui dit d'un ton sec ; 
- Tu m'enlèves ça tout de suite.
- Pardon Madame ?, demande Aïcha.
- Ton voile islamique, tu l'enlèves immédiatement ; c'est interdit dans le lycée.
Aïcha s'arrête un instant déconcertée. Elle a toujours porté le hijab, et sans lui, elle se sent comme nue. Le regard des autres sur ses cheveux la dérange beaucoup ; le porter fait partie de sa culture, mais par dessus tout, elle ne comprend pas pourquoi on lui demande de le retirer.
- Pourquoi, Madame ?
- C'est interdit dans l'enceinte du lycée, ne discutes pas.
- C'est interdit de se couvrir la tête ?, demande-t-elle après un rapide coup d'oeil à un élève qui porte un bonnet au fond de la classe.
- Non, c'est interdit de porter des signes d'appartenance religieuse.

Aurait-on oublié qu'une femme peut se couvrir la tête sans forcément que ce soit un signe de soumission ?

Aïcha se retourne vers la fille hindoue et son tilak, le garçon juif et ses papillotes.

- Elle est hindoue, et il est juif. Ils portent des signes religieux, Madame.
- Ne mélange pas tout, Arshana est Indienne, c'est pour ça qu'elle s'habille comme ça, et Salomon est Israélien, c'est dans sa culture de s'habiller comme ça. Toi, c'est parce que tu es musulmane. Tu sais qu'il n'y a rien dans le Coran qui oblige les femmes à se voiler ? Tu devrais être contente de pouvoir le retirer, tu dois en rêver depuis des années. 

Aïcha n'en rêve pas du tout. Elle aime bien son hijab, surtout celui-là. Elle l'a toujours mis pour sortir. Le Coran impose juste aux femmes de ne pas être impudiques. Pour elle, la pudeur est de cacher en partie ses cheveux et sa nuque, comme pour les autres femmes de son pays. Mais même si le Coran ne disait rien, sa pudeur resterait inchangée.
- Les musulmans d'Inde et les chrétiens d'Israël ne portent pas le tilak et les papillotes, madame, ce sont des signes religieux.
- Oh vous, les arabes, il faut toujours que vous contestiez tout. Sors immédiatement, et reste chez toi ; tu ne te rends pas compte de la chance que tu as de pouvoir venir étudier en France, il faut en plus que tu veuilles que tout le monde soit comme toi. Ici, les femmes sont libres, que tu le veuilles ou non ! 

Aïcha ramasse hâtivement ses affaires et quitte la salle de classe en pleurant. Ses parents seront sans doute très déçus d'apprendre ce qui s'est passé. Dans le couloir, elle croise un lycéen habillé tout en noir, avec un portrait d'un diable cornu sur son T-shirt, avec SATAN marqué en lettres gothiques rouge sang. Et cette fille avec un collier en forme de Tajitu, le symbole du Yin et du Yang, sait-elle que c'est un signe de la religion taoïste ?
Apparemment, Satan sur un T-Shirt, Staline, le tilak, les papillotes sont tolérés dans les lycées de France, mais pas un foulard qui couvre la moitié de la tête... 
Est-ce vraiment les signes religieux qui dérangent, ou le fait d'être musulman, avec tous les clichés que cela véhicule ? Le fait de cacher sa religion est-il vraiment le meilleur moyen de bâtir une société tolérante ? Cela apprendra-t-il vraiment aux élèves à accepter la différence, à voir que l'on peut pratiquer une religion sans que cela change son comportement en société ?

Pour pouvoir pratiquer en toute liberté, choisissez une religion qui n'est pas reconnue comme telle (mot diplomatique pour désigner une secte, ou une mouvance religieuse dont tout le monde s'en fout). Le coup de coeur de la rédaction va cette semaine à la religion raëlienne.

Depuis mars 2004, le hijab, appelé à tort "voile islamique" (expression qui fait l'amalgame entre hijab, niqab, burqa et tchador) est interdit dans les écoles françaises, de même que sont censés l'être tous les autres signes religieux. Reste cette question : cacher nos différences nous rendra-t-il plus tolérants à la différence ?