samedi 8 janvier 2011

Cendrillon

Ah, les comptes et légendes que Papi racontait au coin du feu quand nous étions petits. On s'en souvient tous avec émotions, en se remémorant l'odeur de Papi dans ces moments joyeux. Mais aujourd'hui, il faut bien reconnaître que ce genre d'histoires ne passionne plus grand monde. Voilà donc pour vous, une version re-masterisée de la belle histoire de Cendrillon.

Cendrillon avait un prénom peu commun. Sa mère le lui avait donné alors que sa famille venait juste de quitter la Roumanie pour la France (ben oui, avec un prénom comme ça, vous imaginiez pas qu'elle était Française en plus). Le prénom tire d'ailleurs son origine du latin cendra, la cendre, qui a par la suite donné cendrier, un cendrillon signifiant aussi un petit cendrier.

Lors de l'expulsion du départ volontaire de ses parents vers la Roumanie, Cendrillon avait réussi à se cacher et à rester en France. Elle avait ensuite trouvé un boulot au noir chez une famille dont nous ne citerons pas le nom. La famille était composée d'un vieux père de famille, Jean-Marie, et de sa fille Marine. Ils étaient adeptes de la préférence nationale pour l'argent, et de la préférence extra-nationale pour les emplois à faible valeur ajoutée. Comprenez l'argent pour les Français et les boulots de merde aux immigrés.

Contrairement à la réalité, dans un conte de fée, quand on pète, ça fait des étoiles...

Cendrillon, s'étant fait passé pour une immigrée portugaise, faisait donc le ménache, le repassache, le lavache, le polissache, le potache... bref, elle était multitâches, malgré son jeune âche.

Jean-Marie, son employeur, ne lui laissait aucun moment de répit. Etant par nature fermement opposé aux 35 heures, il la faisait travailler bien plus sans jamais lui proposer de RTT. Cendrillon, pour sa part, savait bien qu'en allant se plaindre aux prud'hommes, elle serait immédiatement raccompagnée chez elle. Elle ne se plaignait donc pas, et exécutait avec zèle et avec un balai parfois, les tâches qu'on lui imposait.
Tous les jours, en lavant le sol, elle s'imaginait avec émotion qu'un prince charmant viendrait la chercher et l'enlever à cette condition détestable. Elle l'imaginait grand, beau, bodybuildé, et occupant une place importante dans la finance. 

Alors, lorsque Cendrillon entendit parler du bal de Chambouilly-sur-Patou, la ville voisine, elle voulut absolument y aller ; très certainement elle y trouverait son prince charmant. Elle alla voir sa marraine, Elena, dans le camp de Roms du village voisin. On la surnommait Elena-les-doigts-de-fée (souvent déformé en "sa marraine la fée"), pour son habileté à laver les pare-brise et à récolter les portefeuilles (fruit qui se récolte en toute saison, à condition de savoir trouver les bons coins. Mais c'est comme les champignons, personne ne donne ses bons coins). 
Devant la détresse de la petite Cendrillon, elle alla chourer la 106 Peugeot de Dédé, le cultivateur de citrouilles du coin, pour la repasser à sa filleule. Celle-ci était aux anges. Elle fila mettre sa robe "ce-soir-je-choppe", son soutien-gorge wonderbra  et ses deux chaussons verts (et non pas ses chaussons de verre, comme on trouve souvent).

Un coup de baguette plus tard, la voiture de Dédé le vendeur de citrouilles se transforme en rutilant carrosse. 

Ah qu'elle avait l'air fier, les cheveux au vent, la fesse alerte, la poitrine relevée, filant dans son carosse Peugeot vers le bal municipal. Ce soir, elle serait la reine de la soirée. Mais sa marraine Les-doigts-de-fée l'avait prévenue ; à minuit, Dédé le cultivateur de citrouilles rentre chez lui, et si il n'a pas sa voiture, ce sera les flics qui débarqueront. 

Arrivée au bal, Cendrillon le repéra immédiatement. Il s'appelait Francky, il avait une gourmette en or avec son prénom et une fiat punto tunée : c'était lui le roi de la soirée. Alors que DJ Flex-la-Vibe lançait "Tournez les serviettes" de Patrick Sébastien, il se rapprocha d'elle. 
- C'est quoi son ptit nom, à la miss, lui demanda-t-il, avec un sourire à faire fondre un iceberg ? 
Cendrillon était sous le charme. Elle le lui signala par un rire cruche en se penchant en avant. Après un regard appuyé dans son décolleté, Francky lui colla la main aux fesses et l'emmena vers le bar.

Tout se passait pour le mieux, quand Cendrillon entendit quelque chose sonner. C'était le rappel de son portable lui indiquant qu'elle devait rentrer, sans quoi son carrosse se transformerait en panier à salade. Dans la difficulté de donner des explications, elle dut s'enfuir et planter là son prince charmant.
Celui-ci, se disant qu'il perdait là l'occasion de ne pas passer une nuit de plus sur la béquille, la poursuivit. Il ne put la rattraper, mais arriva à temps pour voir que Cendrillon avait laissé dans sa fuite un de ses deux chaussons verts.

Honnêtement, un look comme ça en soirée, aujourd'hui, ça fait ringard.

Désespéré d'avoir perdu sa belle, il ne sut que faire, garda le chausson  et alla quand même s'endormir sur la béquille. 

Alertés par une plainte pour voiture volée, la police vint quelques jours plus tard réclamer le chausson à Francky. Une analyse ADN plus tard, le fichier Edwige leur permit de retrouver la petite Cendrillon. Immédiatement raccompagnée à la frontière et déchue de sa nationalité française (qu'elle n'avait pas encore, mais c'est ça, la prévention), elle eut la bonne surprise de retrouver Francky à l'aéroport. 
Il s'envolèrent tous deux dans un vol charter payé par le ministère de la non-immigration en direction la Roumanie, où ils vécurent heureux, eurent beaucoup de scooters tunés et plein de petits voleurs de poules.

Fin


Une bien belle histoire en vérité, qui avait bien besoin d'être dépoussiérée. Nul doute que, sous cette forme, elle se transmettra à travers les âges pour des générations ! Tiens, ça me fait penser que j'ai en ma possession d'autres parchemins qui mériteraient eux aussi d'être un brin dépoussiérés. Si vous êtes sages, vous aurez bientôt tout une collection de belles histoires à lire à vos enfants au coin du feu.

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