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mardi 19 avril 2011

Le chaperon rouge (le film)

Mes précédents travaux sur le petit Chaperon Rouge ayant été appréciés en haut-lieu, j'ai été convié à une projection en avant-première du film à paraître le 20 avril, "le Chaperon Rouge", ainsi que quelques autres personnes dont j'aurai sûrement l'occasion de vous reparler plus tard. Le film ayant été fait par la réalisatrice de Twilight, je m'attendais au pire.

Après avoir visionné les 1h40 de film, ma décision était prise. Il était de mon devoir de citoyen de faire quelque chose et d'agir immédiatement. Je me devais d'avertir mes concitoyens : "N'allez pas voir le film, c'est une bouse !". En ces temps de crise économique, l'argent et le temps (donc l'argent) sont précieux. Je vous en supplie, ne dépensez pas votre pécule pour ça, ce serait cautionner ce genre de catastrophes. Economisez plutôt avec vos voisins pour acheter un Rafale, ça contribuera à la relance de l'économie française.

Vous mettez en doute ma parole ? (Je sais que vous ne le faites pas, c'est purement rhétorique, comme question). Immédiatement, les preuves.

***

Le film s'ouvre sur un dimanche ensoleillé dans un petit village moyenâgeux perdu au beau milieu d'une sombre forêt de sapin. Alors que leurs parents sont devant le patinage artistique sur France 3, une petite fille joue avec son amoureux à braconner des lapins. Chacun son truc après tout. L'animal facilement capturé (le lapin est aussi farouche devant des humains que Zahia devant un footballeur, c'est vous dire), ils se disputent gentiment pour savoir qui va tuer le lapin. "C'est toi", "Non, c'est toi", "Non, toi d'abord"... Les amoureux d'aujourd'hui font ça avec un téléphone, à l'époque, c'était pour égorger des lapins : les temps changent.

10 ans après, dans le même village, la petite fille est devenue une vraie bombasse beauté (les filles deviennent rarement moches avec le temps, dans les films américains), avec des dents blanches et parfaitement alignées, et avec plein de jolies robes colorées, malgré le fait qu'elle vienne d'une famille de bûcherons. Je vous garantis qu'au Moyen-âge, les filles qui arrivaient à 20 ans avec les mains parfaitement lisses et douces, une dentition parfaite, et des cheveux tout propres, elles n'étaient pas vraiment paysannes. Mais apparemment, le village entier est sponsorisé par Colgate, Nivéa et les laboratoires Garnier, puisque ces simples péons sont resplendissants de beauté et de propreté.
Les premières règles du chaperon rouge, à une époque ou les Tampax n'existaient pas encore... (Hum, je... désolé)
Notre petit garçon a lui aussi bien grandi, mais sans prendre un poil ("il est tellement viril !", s'extasie alors la fille du rang derrière moi), et est désormais apprenti bûcheron. Peter et Valérie, tels sont leurs noms, sont toujours aussi amoureux l'un de l'autre. Peter propose donc à sa belle de s'enfuir avec lui, ce à quoi elle répond "Non... mais oui. Peut-être. Je ne sais pas. En tous cas, je t'aimerai toujours", prouvant encore une fois qu'une fille ne peut pas répondre simplement à une question simple. Peter n'a pas l'air très futé non plus, puisqu'il envisage la fuite avant d'envisager la demande en mariage. Ou alors, il a déjà un plan impliquant une escapade dans la forêt, un coup de pelle, et un retour seul au village : ça se tient aussi...

Quand soudain, la cloche du village sonne. "Oh, le loup !" s'exclame Valérie (le village a une cloche spéciale "loup", que Valérie connaît apparemment bien, même si elle n'a pas sonné depuis 20 ans). Et en effet, la soeur de Valérie est retrouvée morte en dehors du village, encore entière. Le loup devait être très frustré de ne même pas pu avoir emporter une cuisse pour le pique-nique du lendemain.
C'est donc l'émoi au village et les hommes se réunissent à la taverne pour se biturer joyeusement décider de la tactique à adopter :
- Allons buter le loup, dit l'un, montrant ainsi une finesse de raisonnement rarement égalée depuis la présidence de Georges W Bush.
- Ouais, surtout que ça fait 20 ans qu'on lui sacrifie un animal à chaque pleine lune, et qu'on sait où le loup se terre.
Petite explication : les villageois ont été victimes du loup il y a 20 ans, et ils ont donc fait un pacte avec lui, en lui promettant de lui filer un agneau par mois en échange d'un pacte de non-agression. C'est aussi simple que ça : si un loup bouffe vos enfants, il suffit de lui promettre une compensation, et hop, il se tient tranquille. Ca fonctionne également avec les taupes du jardin et les moustiques le soir : passez un contrat avec eux, et ils ne viendront plus vous emmerder. 
Le contrat avec le loup ayant été signé devant un huissier assermenté, les villageois sont quand même un peu vénères qu'on les arnaque comme ça. Par contre, ils n'ont jamais eu l'idée d'aller attaquer le loup avant (c'est vrai que tout un village contre un loup, c'est pas facile). Quelque chose me dit que c'est pas des lumières, au village. 
Cependant, un autre villageois intervient :
- Attendez. Demain, il y a justement le fameux tueur de loups, Père Salomon, qui arrive au village !
Là, quelqu'un de censé aurait demandé : "Comment ça se fait qu'il arrive justement demain, alors qu'il vient d'un pays lointain ? Quelqu'un savait que le loup allait tuer un villageois aujourd'hui, alors que ce n'était pas arrivé depuis 20 ans ? Ca me semble louche tout ça..." Ou à la limite : "Comment tu sais qu'il arrive demain, sachant que tu as du lui envoyer une lettre il y a 3 mois pour qu'il vienne ici, que les voyages à travers les bois sont plutôt aléatoires, et que les sms n'ont pas encore été inventés ?".
Mais non, ils se contentent de répondre "Ouais, mais nous, on veut le buter tout de suite, le loup". Tout le monde approuve la logique puissante du raisonnement, et les hommes se mettent en chasse, avec leurs bites et leurs couteaux (et aussi des fourches et des haches).

Pendant ce temps-là, dans une chaumière où un feu brûle au milieu de la pièce sans cheminée (le monoxyde de carbone, la fumée, et le manque d'oxygène n'avaient pas encore été inventés à cette époque là), les femmes pleurent la morte. Comme l'ambiance est sympa et propice aux annonces, la maman de Valérie trouve opportun de lui annoncer qu'elle l'a promise en mariage à Henry, le fils du forgeron, parce qu'il a une meilleure situation que Peter le bûcheron. Valérie est folle de désespoir ; elle aimera toujours Peter parce qu'il en a une grosse et pas Henry (une grosse hache, bien entendu, bande de petits coquins).

Arrivés dans la tanière du loup, Peter décide qu'ils doivent se séparer en petits groupes quand ils arrivent à une intersection. C'est bien connu que plus on est de groupes de un, et plus on est forts. Henry proteste cependant, en disant qu'il ne faut pas se séparer (un soupçon d'intelligence, peut-être ?). Mais Peter fait un hochement de sourcils, ce qui achève de convaincre Henry (une technique empruntée à Twilight, sûrement). Oui, même si 2 secondes avant, il disait le contraire, Henry et son père se séparent du groupe... Oui, un hochement de sourcil est une arme puissante dans un débat logique... Vous essayerez ça au moment de demander une augmentation à votre patron ("Non, jamais je ne vous augmenterai !" - Hochement de sourcil - "Ok, vous voulez combien ?").

Robert Hue essaye de vous convaincre de voter communiste en faisant des mouvements de sourcils. Pourtant, ça devrait marcher...

Résultat, le papa de Henry se fait tuer. Mais les autres villageois arrivent quand même à tuer le loup, qui par chance, était sagement dans sa tanière à attendre qu'on vienne le buter ; arnaqueur, mais beau joueur, le loup.

Tout le monde se dépêche de revenir au village, pour ne pas louper le nouvel épisode des Feux de l'Amour. En voyant sa Maman pleurer la mort du père de Henry, Valérie déclenche une série de révélations : sa maman était amoureuse du père de Henry, avec qui elle a eu la soeur de Valérie, celle qui s'est fait tuer le matin même. Du coup, sa soeur n'était en fait que sa demi-soeur, mais aussi le demi-soeur d'Henry. Et justement, sa soeur était amoureuse d'Henry, mais elle ne pouvait pas l'épouser car elle était aussi sa demi-soeur. C'est pour ça que la maman de Valérie a promis Henry à Valérie et pas à sa soeur (les Feux de l'Amour, je vous avais dit).

Sur ces entrefaits arrive Père Salomon, le fameux tueur de loups. On a beau lui dire que "pas de chance, on l'a déjà tué, le loup", il rétorque que "Même pas vrai d'abord, en fait, votre loup, c'est un loup-garou et il est toujours vivant". Personne ne pense à lui demander comment il sait ce qu'il se passe dans ce village, ni comment il est si sûr de lui. A la place, les villageois préfèrent pousser des petits cris de vierges effarouchées en hochant la tête - Père Salomon a certainement des sourcils très convaincants. Il leur explique aussi qu'en ce moment, c'est la lune de sang, c'est à dire une pleine lune qui dure une semaine, et qui est rouge. Il emmène toujours avec lui une grosse maquette, sur laquelle on peut voir que la planète rouge étant alignée avec la lune, elle sera rouge (il faut croire qu'elle est un peu translucide, la lune) et pleine pendant une semaine. En fait, elle n'a aucune raison d'être pleine pendant une semaine, mais sinon, le film devait se passer sur des mois, et ça rendait moins bien.
Et pendant la lune de sang, donc, le loup-garou peut changer d'apparence toutes les nuits (au lieu des seules nuits de pleine lune en temps normal) et transformer en loup-garou tous ceux qu'il mordra. C'est donc un habitant du village, puisqu'il n'y a pas un péquenot qui habite dans les alentours.

Mais les habitants, qui sont rusés comme des huîtres, ne comprennent rien aux petites maquettes, et décident de faire la fête, parce que bon, quand même, ils ont buté un loup.

Le soir, les habitants du village dansent tous en rond.
Et ça ne loupe pas (un subtil jeu de mot s'est glissé ici), le loup-garou arrive au milieu de la fête et tue une dizaine de villageois. Jusqu'à ce qu'il arrive devant Valérie, à qui il se met à parler :
"Salut Valérie, je ne veux pas te faire de mal, je voudrais que tu t'enfuies avec moi.
- Mais pourquoi ? (le fait d'engager une conversation avec un loup qui a tué la moitié de son village ne la dérange pas plus que ça. Pas le moindre mouvement violent, elle l'inviterait limite à prendre le thé chez elle)
- Haussement de sourcils -
- Ah, d'accord. Mais tu as quand même tué des gens, et c'est pas très bien, dit-elle.
- Et toi, qu'as tu fait au lapin ? 
- Je l'ai tué (elle voit en 2 secondes de quel lapin il s'agit, même si ça date d'il y a 10 ans. Mais elle ne se dit à aucun moment qu'à part Peter et sa famille, personne ne connaît cette histoire du lapin).
- Alors tu vois, on est pareils, pars avec moi". Ben oui, tuer une dizaine de villageois sous forme de loup ou égorger un lapin pour se nourrir, c'est exactement pareil. Même le loup n'a aucune logique, c'est désespérant.

Puis Père Salomon et ses gardes arrivent, et le loup-garou est obligé de fuir. Tout le monde se met donc à croire Père Salomon, et le village entier cherche le loup-garou (je vous passe les "Mais Valérie, tu auras une meilleure vie avec Henry qu'avec moi", "Mais je t'aime", "Mais moi aussi", "Soyons fous, allons voler des carambars et allons fuguer dans la forêt", et autres niaiseries de ce genre, débitées à grands renforts de soupirs et de coups de sourcils...).

Le lendemain, Père Salomon torture jusqu'à la mort l'idiot du village en lui demandant le nom du loup-garou. Ca dérange un peu les gens, qui protestent gentiment, mais pas plus que ça (car en plus de la logique, ils ont également le charisme et le dynamisme de l'huître). Du coup, la soeur de l'idiot du village vient voir Père Salomon en lui demandant de relâcher son frère, et en échange, elle lui donne une sorcière. En effet, la veille, elle a vu Valérie parler au loup, alors ça doit sûrement être une sorcière.
Valérie est donc immédiatement jugée, sur la base d'arguments très convaincants : elle a une cape rouge (authentique), elle court plus vite que les autres filles du village (hélas, aussi authentique), elle a un portrait de Benjamin Lancart chez elle (un peu moins authentique, mais pourtant plus convaincant), et enfin, elle parle aux loups-garous, donc : sorcière !

A ce moment, sachant que : 
- Valérie peut parler aux loups-garous, ce qui est sans doute du au fait qu'elle a du sang de loup-garou dans les veines
- le loup-garou aime bien Valérie et ne veut pas lui faire de mal
- le loup-garou a tué la demi-soeur de Valérie, qui a donc un autre père que Valérie
- le père de Valérie boit une gourde bizarre depuis le début du film dès qu'il fait nuit
- le loup-garou est au courant de l'épisode du lapin crétin
- dans le conte de Perrault, c'est un bûcheron qui vient sauver le petit Chaperon Rouge dans la scène finale, et que justement, Peter, dont l'héroïne est amoureuse, est bûcheron
- c'est un film américain, donc le loup-garou a forcément un physique humain rappelant celui du loup.
Sauras-tu deviner qui est le loup-garou de l'histoire ? Le suspense est à peine soutenable...

Voila la famille de Valérie : sauras-tu trouver le loup-garou qui se cache dans cette image ?
Eh bien, malgré ça, personne n'a le moindre soupçon de quoi que ce soit. Valérie soupçonne Henry d'être le loup-garou, et Henry soupçonne la grand-mère de Valérie. Des huîtres, vous dis-je.

Valérie est donc condamnée pour sorcellerie par Père Salomon, qui fait aussi chasseur de sorcières pour arrondir les fins de mois (dans le cadre du deal "travailler plus pour gagner plus", il a suivi la formation "chasseur de sorcières" dispensée par le Pôle Emploi). On attache donc la donzelle sur la place du village, pendant que les hommes de Père Salomon se cachent discrètement autour pour pouvoir tuer le loup quand celui-ci se montrera. Un plan rudement subtil, que Père Salomon explique à tous les villageois. Oui, même en sachant que le loup est l'un des villageois... Et non, ce n'est même pas une ruse pour changer de plan ensuite. C'est affligeant, je sais.

Valérie est donc enchaînée sur la place du village, où les filles du village viennent lui dire que c'est bien fait pour sa gueule, que personne ne la regrettera parce qu'elle était trop belle et que toutes les filles étaient jalouses d'elle (le film s'adresse donc à public de collégiennes). Mais Henry et Peter, qui l'aiment tous les deux, décident de s'unir pour la libérer ("oh, c'est tellement romantique", s'exclame la fille du rang derrière moi). Ils mettent au point un plan vachement rusé : mettre le feu au village pour faire diversion et libérer Valérie. Un plan à hauteur de leur intelligence. Même en sachant que le loup ne veut pas faire de mal à Valérie, et qu'elle ne risque donc rien puisqu'elle sert juste d'appât. Mais c'est pas grave, c'est quand même bien moins risqué de foutre le feu à un village fait entièrement de huttes de paille. 

Aussi surprenant que ça puisse paraître, le plan fonctionne et Henry libère Valérie, mais Peter se fait prendre dans l'opération. Il est donc enfermé. Et c'est le moment que choisit le loup pour apparaître, et tuer encore quelques gardes et quelques villageois (dans l'opération, il mord Père Salomon, qui sera donc tué par un garde pour éviter qu'il ne se transforme à son tour en loup-garou). Valérie se réfugie à la chapelle, dans laquelle le loup ne peut pas entrer (mais alors, pourquoi les habitants se réfugient chez eux par groupes de un plutôt que tous ensembles à la chapelle quand le loup attaque ?).
Là, le loup-garou essaye encore de convaincre Valérie de partir avec lui. Mais il a beau lui promettre un séjour de rêve au Camping des flots bleus, où elle gagnera sûrement le concours miss chaperon mouillé, rien n'y fait, Valérie refuse de partir. Le jour se lève, et le loup-garou doit fuir. 
On découvre à ce moment que Peter s'est échappé de sa cage, et qu'on ne le trouve nulle part. (Mais alors, ce serait lui, le loup ?, s'interroge ma voisine de derrière). Alors qu'il aurait simplement pu se montrer pour prouver que ce n'était pas le loup, il préfère aller se cacher dans la forêt.

Mais Valérie fait un rêve bizarre, où elle imagine sa grand-mère en loup-garou, et où elle lui pose des questions étranges : "Mère-grand, que vous avez de grands yeux" "Que vous avez de grandes oreilles" "Que vous avez une belle retraite"... La scène ne sert à rien d'autre qu'à caser les répliques maintes fois entendues.
Toujours est-il qu'en se réveillant, Valérie est convaincue que c'est sa grand-mère le loup. Elle part donc sans rien dire à personne (c'est plus prudent) pour la maison de sa grand-mère, qui vit seule dans les bois. En chemin, elle croise Peter, qu'elle soupçonne du coup d'être le loup (attendez, je croyais qu'elle soupçonnait sa grand-mère 2 minutes avant). Du coup, elle lui enfonce un couteau dans le ventre : dans le doute, ça ne peut pas nuire. Et elle le laisse à moitié crevé au milieu de la forêt. Alors qu'elle en était follement amoureuse pendant tout le film. Et que si elle voulait le tuer, s'enfuir en courant après lui avoir mis un coup de couteau n'était pas forcément la meilleure chose à faire.

Sinon, vous pouvez aller voir le film en version coréenne, ça vous aidera sûrement à le trouver un brin plus logique.

Valérie arrive donc à la maison de sa grand-mère, où -quelle surprise- elle retrouve son père. Celui-ci a tué la grand-mère, parce qu'elle avait deviné qu'il était le loup-garou (c'était bien la seule).
Il lui explique alors qu'il a tué sa demi-soeur parce qu'il avait découvert que ce n'était pas sa fille, et que si elle veut, il peut aussi la transformer en loup-garou, comme ça ils pourront aller vivre en ville, et terroriser les gens pour les voler, et ainsi vivre confortablement. 
Et là, Valérie refuse. Pourtant, qui n'a jamais rêvé de se transformer en bête poilue une fois par mois, et de faire peur à tout le monde pour pouvoir vivre. Vraiment, je ne comprends pas pourquoi elle refuse.
En tous cas, son père a l'air surpris. Il n'explique pas trop, par contre, pourquoi il a tué des dizaines d'innocents. Il n'explique pas non plus pourquoi il n'a pas révélé son secret à sa fille quand il avait sa forme humaine (des fois qu'elle aurait risqué de comprendre), en lui disant que c'était une terrible maladie, mais qu'il essayait de se soigner en buvant des trucs bizarres. Non, ça, il ne l'explique pas... Le scénario non plus d'ailleurs.

Lassé de devoir expliquer un scénario qui ne tient pas la route, le papa s'apprête à mordre sa fille, quand arrive... Peter, qui s'est très bien remis de son coup de couteau dans le ventre 10 minutes plus tôt. Il plante donc sa hache dans le dos de Papa Chaperon, et Valérie l'achève avec des ongles en argent qu'elle avait récupérés sur la main de feu Père Salomon : ouf, le loup-garou est mort.
Valérie et Peter décident donc de cacher le cadavre et de ne rien dire à personne (mais... mais pourquoi ?). Elle propose à Peter de s'enfuir avec lui, mais hélas, celui-ci a été mordu dans la bataille, il va donc se transformer en loup-garou. Il s'enfuit donc tout seul.
Attendez : le père de Valérie a vécu 20 ans dans le village sans se faire remarquer, mais Peter est quand même obligé de partir, et de laisser la femme qu'il aime, sa famille, ses amis, etc ? 

Quelques années plus tard, Valérie vit toute seule dans la cabane de sa grand-mère, avec un chat noir (rien de mieux pour apaiser les soupçons de sorcellerie), et elle voit de temps en temps un loup-garou à qui elle sourit très fort les nuits de pleine lune, pour bien montrer qu'elle se brosse toujours les dents avec Colgate Blancheur   Plus. 

Et FIN...
***

Les lumières se rallumèrent dans la salle. Je me retournai vers celle qui avait tant aimé le film (et qui en avait largement fait profiter la salle), et qui en ferait certainement une critique enchantée sur son skyblog, pour reconnaître.... l'étudiante de l'ENA membre de PETA (oui, j'aime faire des références à moi-même). Pour peu qu'elle me reconnaisse, et ma réputation serait complètement ruinée.
J'eus à peine le temps d'enfouir mon visage sous les pans de mon manteau, avant de quitter prestement la salle. Si je me mets à regarder les mêmes films que mes étudiantes, rien ne va plus... 

samedi 8 janvier 2011

Cendrillon

Ah, les comptes et légendes que Papi racontait au coin du feu quand nous étions petits. On s'en souvient tous avec émotions, en se remémorant l'odeur de Papi dans ces moments joyeux. Mais aujourd'hui, il faut bien reconnaître que ce genre d'histoires ne passionne plus grand monde. Voilà donc pour vous, une version re-masterisée de la belle histoire de Cendrillon.

Cendrillon avait un prénom peu commun. Sa mère le lui avait donné alors que sa famille venait juste de quitter la Roumanie pour la France (ben oui, avec un prénom comme ça, vous imaginiez pas qu'elle était Française en plus). Le prénom tire d'ailleurs son origine du latin cendra, la cendre, qui a par la suite donné cendrier, un cendrillon signifiant aussi un petit cendrier.

Lors de l'expulsion du départ volontaire de ses parents vers la Roumanie, Cendrillon avait réussi à se cacher et à rester en France. Elle avait ensuite trouvé un boulot au noir chez une famille dont nous ne citerons pas le nom. La famille était composée d'un vieux père de famille, Jean-Marie, et de sa fille Marine. Ils étaient adeptes de la préférence nationale pour l'argent, et de la préférence extra-nationale pour les emplois à faible valeur ajoutée. Comprenez l'argent pour les Français et les boulots de merde aux immigrés.

Contrairement à la réalité, dans un conte de fée, quand on pète, ça fait des étoiles...

Cendrillon, s'étant fait passé pour une immigrée portugaise, faisait donc le ménache, le repassache, le lavache, le polissache, le potache... bref, elle était multitâches, malgré son jeune âche.

Jean-Marie, son employeur, ne lui laissait aucun moment de répit. Etant par nature fermement opposé aux 35 heures, il la faisait travailler bien plus sans jamais lui proposer de RTT. Cendrillon, pour sa part, savait bien qu'en allant se plaindre aux prud'hommes, elle serait immédiatement raccompagnée chez elle. Elle ne se plaignait donc pas, et exécutait avec zèle et avec un balai parfois, les tâches qu'on lui imposait.
Tous les jours, en lavant le sol, elle s'imaginait avec émotion qu'un prince charmant viendrait la chercher et l'enlever à cette condition détestable. Elle l'imaginait grand, beau, bodybuildé, et occupant une place importante dans la finance. 

Alors, lorsque Cendrillon entendit parler du bal de Chambouilly-sur-Patou, la ville voisine, elle voulut absolument y aller ; très certainement elle y trouverait son prince charmant. Elle alla voir sa marraine, Elena, dans le camp de Roms du village voisin. On la surnommait Elena-les-doigts-de-fée (souvent déformé en "sa marraine la fée"), pour son habileté à laver les pare-brise et à récolter les portefeuilles (fruit qui se récolte en toute saison, à condition de savoir trouver les bons coins. Mais c'est comme les champignons, personne ne donne ses bons coins). 
Devant la détresse de la petite Cendrillon, elle alla chourer la 106 Peugeot de Dédé, le cultivateur de citrouilles du coin, pour la repasser à sa filleule. Celle-ci était aux anges. Elle fila mettre sa robe "ce-soir-je-choppe", son soutien-gorge wonderbra  et ses deux chaussons verts (et non pas ses chaussons de verre, comme on trouve souvent).

Un coup de baguette plus tard, la voiture de Dédé le vendeur de citrouilles se transforme en rutilant carrosse. 

Ah qu'elle avait l'air fier, les cheveux au vent, la fesse alerte, la poitrine relevée, filant dans son carosse Peugeot vers le bal municipal. Ce soir, elle serait la reine de la soirée. Mais sa marraine Les-doigts-de-fée l'avait prévenue ; à minuit, Dédé le cultivateur de citrouilles rentre chez lui, et si il n'a pas sa voiture, ce sera les flics qui débarqueront. 

Arrivée au bal, Cendrillon le repéra immédiatement. Il s'appelait Francky, il avait une gourmette en or avec son prénom et une fiat punto tunée : c'était lui le roi de la soirée. Alors que DJ Flex-la-Vibe lançait "Tournez les serviettes" de Patrick Sébastien, il se rapprocha d'elle. 
- C'est quoi son ptit nom, à la miss, lui demanda-t-il, avec un sourire à faire fondre un iceberg ? 
Cendrillon était sous le charme. Elle le lui signala par un rire cruche en se penchant en avant. Après un regard appuyé dans son décolleté, Francky lui colla la main aux fesses et l'emmena vers le bar.

Tout se passait pour le mieux, quand Cendrillon entendit quelque chose sonner. C'était le rappel de son portable lui indiquant qu'elle devait rentrer, sans quoi son carrosse se transformerait en panier à salade. Dans la difficulté de donner des explications, elle dut s'enfuir et planter là son prince charmant.
Celui-ci, se disant qu'il perdait là l'occasion de ne pas passer une nuit de plus sur la béquille, la poursuivit. Il ne put la rattraper, mais arriva à temps pour voir que Cendrillon avait laissé dans sa fuite un de ses deux chaussons verts.

Honnêtement, un look comme ça en soirée, aujourd'hui, ça fait ringard.

Désespéré d'avoir perdu sa belle, il ne sut que faire, garda le chausson  et alla quand même s'endormir sur la béquille. 

Alertés par une plainte pour voiture volée, la police vint quelques jours plus tard réclamer le chausson à Francky. Une analyse ADN plus tard, le fichier Edwige leur permit de retrouver la petite Cendrillon. Immédiatement raccompagnée à la frontière et déchue de sa nationalité française (qu'elle n'avait pas encore, mais c'est ça, la prévention), elle eut la bonne surprise de retrouver Francky à l'aéroport. 
Il s'envolèrent tous deux dans un vol charter payé par le ministère de la non-immigration en direction la Roumanie, où ils vécurent heureux, eurent beaucoup de scooters tunés et plein de petits voleurs de poules.

Fin


Une bien belle histoire en vérité, qui avait bien besoin d'être dépoussiérée. Nul doute que, sous cette forme, elle se transmettra à travers les âges pour des générations ! Tiens, ça me fait penser que j'ai en ma possession d'autres parchemins qui mériteraient eux aussi d'être un brin dépoussiérés. Si vous êtes sages, vous aurez bientôt tout une collection de belles histoires à lire à vos enfants au coin du feu.

lundi 25 octobre 2010

Le petit chaperon rouge

Ah, les comptes et légendes que Papi racontait au coin du feu quand nous étions petits. On s'en souvient tous avec émotions, en se remémorant l'odeur de Papi ces moments joyeux. Mais aujourd'hui, il faut bien reconnaître que ce genre d'histoires ne passionne plus grand monde. Voilà donc pour vous, une version re-masterisée du Petit Chaperon Rouge.



Spéciale cace-dédi à Perrault ; si tu m'entends vieux, t'as fait des histoires pas mal, mais qui auraient pu franchement déchirer. T'es pas passé loin du succès.


Le Petit Chaperon Rouge d'Aujourd'hui

Un doux matin se lève sur la banlieue des Ulis. Les voitures gazouillent à perdre haleine, et le doux ronronnement des camions de Rungis fait chaleureusement trembler le petit HLM de notre héroïne. Bref, une belle journée s'annonce.
- Jamila ! Viens immédiatement, ça va refroidir !, crie une voix venue de la cuisine du F4 dans lequel s'entassent Jamila, sa mère, son demi-frère, le compagnon de sa mère et son grand-père.
- Attends M'man, j'arrive, répond Jamila sans quitter son écran des yeux.

Jamila discute en effet sur le chat Facebook avec GrandLouChanmé, sous le pseudo PetiteChaperonnedu91. Depuis que GrandLouChanmé a checké sa tof de profil, il est grave à donf sur PetiteChaperonnedu91.

PetiteChaperonnedu91 a une photo de profil Facebook relativement sobre, qui exprime à la fois son désir de participer au débat sur l'identité nationale et son amour pour l'art photographique.

- Sa me feré kifé de te voar, lui déclame-t-il d'ailleurs.
- Grave !!!! Trop !!!!!! :), lui répond-elle de manière enjouée.
- Stu veux G un squat posé ds 1 cave ac des pote.
- Tp cool !!!!!:) <3<3<3 lol ^^
Les mains de GrandLouChanmé volent sur la clavier avec habileté et dextérité, pour produire une prose de grande qualité devant laquelle Monsieur Jourdain lui-même aurait pâli de jalousie. Hélas, sa dulcinée lui signifie par quelques mots qu'elle doit se soustraire à ses ardentes déclamations ; "Dsl, mé ya ma reum qui me gave grave ^^".

- Jamila, tu peux aller amener son pain à Mémé Josette ? Ca lui fait tellement plaisir de te voir. Et tu pourras prendre du beurre à Carrouf au passage ? Elle n'en a presque plus.
- Vas-y Maman, ça me soule d'aller voir Mémé Jo. Elle bave, elle pue, pis j'ai pas envie d'aller zoner à c't heure, c'est mort dehors. Pis je pourrais me faire attaquer en plus, je suis sûre que c'est pas safe de se balader toute seule comme ça.
- Ne t'inquiète pas, mon petit coeur, cela fait longtemps qu'il n'y a plus de loups par ici, lui répond sa mère en lui collant une baguette tradition dans les mains.

PetiteChaperonnedu91 enfile ses bottes en soupirant, passe sur l'ordi pour mettre son pseudo facebook à jour : "Corvé Mémé. VDM". GrandLouChanmé like immédiatement, et se dit qu'il pourrait bien faire une petite surprise à PetiteChaperonnedu91. Il saute sur son scooter tuné, et grâce à son appli Google maps sur son iPhone 4, il se dit qu'il sera chez Mémé Jo bien avant sa douce. En effet, PetiteChaperonnedu91 prend le RER, et c'est bien connu que les RER à l'heure sont aussi rares que les bonnes idées dans la tête de Nicolas Sarkozy les journalistes libres en Corée du Nord.

Le dernier loup dans la forêt des Ulis a été tué par François Ier lui-même en 1517.

7 minutes plus tard, le voila chez Josette Duchemin, Mémé Jojo pour les intimes. Il frappe à la porte.
- Tire la chevillette, et la bobinette cherra, lui répond-on par la fenêtre du troisième.
- Hein ?
- Appuie sur l'interphone, petit con !

Une fois la porte ouverte, il fait vite fait un petit topo à Mémé en lui expliquant les raisons qui vont le pousser à l'enfermer dans la cuisine en attendant que sa petite fille arrive. Ce qui ne tarde pas.
- Tire la cheville et la... Heu, c'était quoi déjà le truc qu'elle disait la vieille ?
- Mémé, j'ai jamais rien compris à ton truc, ouvre la porte plutôt !
GrandLouChanmé appuie sur le bouton de l'interphone et se dépêche d'aller se cacher dans le lit de Mémé.

Quand PetiteChaperonnedu91 arrive dans la chambre, elle ne voit que le bonnet de Mémé qui dépasse du lit. Toujours la même puanteur dans cet appartement, elle devrait remplacer les bâtonnets d'encens par des bâtonnets de cannabis, ça ferait une odeur plus plaisante, se dit-elle.
Cependant, un détail qui apparaît sous la couette lui saute aux yeux immédiatement : 
- Mémé Jo, que tu as une grosse...

[Je me dois de préciser que le parchemin daté du XIIe siècle que j'ai en ma possession est malencontreusement déchiré, nous empêchant de lire le passage qui s'ensuit. Notre histoire reprend lorsque PetiteChaperonnedu91, qui s'est renommée en Chaperonnedu91, émerge de sous la couette de Mémé Josette, surprise par un bruit de klaxon qui vient de la cour de l'immeuble].

Chaperonnedu91 reconnaît en effet dans la cour son pote GrosChasseur, qui vient lui montrer son tout nouveau scooter, encore mieux tuné que celui de GrandLouChanmé, et surtout équipé de deux énormes baffles à l'arrière pour emmerder tout le voisinage pouvoir écouter radio classique à fond. Elle sort immédiatement retrouver GrosChasseur, en lançant un "on s'appelle" à GrandLouChanmé, qui s'empresse d'aller poster ses états d'âme sur Facebook.

Le blanc destrier, c'est dépassé.

Par la suite, GrandLouChanmé décide de tuer Mémé Josette à coup de fourchette pour passer ses nerfs, ce qui ressortira dans la presse comme "Un arabe se livre à des actes cannibales sur une personne âgée, soi-disant pour soulager le système des retraites". Une bien triste histoire...

Quand à Chaperonnedu91, après avoir vu le loup, elle s'est mise "en couple avec GrosChasseur" sur Facebook, ce qui signifie qu'elle va couler des jours heureux pour au moins les deux semaines à venir.

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Une bien belle histoire en vérité, qui avait bien besoin d'être dépoussiérée. Nul doute que, sous cette forme, elle se transmettra à travers les âges pour des générations ! Tiens, ça me fait penser que j'ai en ma possession d'autres parchemins qui mériteraient eux aussi d'être un brin dépoussiérés. Si vous êtes sages, vous aurez bientôt tout une collection de belles histoires à lire à vos enfants au coin du feu.