lundi 20 décembre 2010

Enfin un Noël rentable !

Lundi 20 décembre, 23h, dans une usine au Sud du Cambodge. Un petit enfant, que nous appellerons Jean-Louis (Réachéanachâkr, ça faisait pas vendeur) essuie rapidement une larme goutte de sueur qui coule sur sa joue. S'il travaille bien aujourd'hui, il sait que son patron sera content de lui. Il lui donnera un de ces billets verts qu'il affectionne tant, et il pourra peut-être s'acheter le magazine de Playboy le jouet dont il rêve.

Jean-Louis contemple sur son uniforme vert le petit logo rouge et blanc "Christmas Corporation", avant qu'un coup de fouet bien ajusté vienne le rappeler à sa tâche ; emballer des sex-toys en plastique pour les ménagères françaises de moins de 50 ans. Un gros contrat pour lequel la Christmas Corporation a du couper ses marges de manière importante.

- Au boulot, le lutin, lui rappelle d'une voix douce le chef de ligne, un gentil ex-milicien américain qui a perdu un bras en Iraq.
Les lutins, c'est leur nom, à lui et à ses collègues, des enfants qui ont eu l'immense honneur de se voir confier un travail plutôt que d'aller à l'école. Tout le monde sait bien en effet que l'école, et surtout les notes, traumatisent les enfants. Alors qu'au travail, pas de notes ; juste des appréciations du chef de ligne. Ils portent tous un uniforme vachement sympa avec un petit bonnet à grelot (pour qu'on puisse les entendre si ils cherchent à s'échapper).

Afin de respecter l'esprit de Noël, les gentils chefs de ligne de la Christmas Corporation ont déguisé leurs chiens. Quelle bande de déconneurs !
Cette année est un peu différente des autres. C'est la crise. Le patron de Jean-Louis, un gros Finlandais alcoolique qui s'habille toujours en rouge et blanc, le leur a bien expliqué. La concurrence chinoise est très rude sur le marché de Noël, principalement grâce à l'automatisation des lutins de Noël sur les chaînes d'emballage. Le géant chinois 在尊嚴和權 (ça se prononce comme ça s'écrit) a en effet avalé d'énormes parts de marché en concentrant ses offres sur les produits à forte rentabilité (électronique, machines à expresso, bustes de Nicolas Sarkozy...) et en laissant tomber les produits de faible intérêt comme les livres, les colliers de nouilles, la déclaration des droits de l'homme...

En effet, il y a quelques années, un rapport de l'OMC avait jugé Noël comme "une coutume amusante, mais dont la rentabilité et la libre concurrence pourraient être améliorées". 
C'est alors qu'a éclaté le scandale que tout le monde connaît. Un homme, dont la date de naissance était trop éloignée pour être vraie, abusait visiblement d'une position dominante sur le marché. En dehors des fraudes aux droits de douanes et aux conditions d'entrée sur les territoires souverains (il utilisait un véhicule aérien non homologué et non déclaré pour passer clandestinement les frontières), c'est la saisie de son ordinateur qui a permis de l'inculper. On y avait trouvé une base de données non déclarée à la CNIL, plus complète que le fichier EDWIGE, concernant des mineurs... Plusieurs centaines de pays étaient concernés. Une sombre affaire, mais qui avait permis d'ouvrir le marché à la concurrence (concept qui mène à la rentabilité, donc à la civilisation, donc au Bien, donc de droite).

Petit à petit, pour des soucis évident de rentabilité (civilisation -> Bien -> de droite), l'activité a été délocalisée dans les pays émergents (dont on ne voudrait surtout pas qu'ils émergent trop), et par souci de rentabilité tradition, l'activité a été assurée par des lutins, qui ne pouvaient être que des enfants (les nains individus de moins de 1 Sarkozy de haut ont également été envisagés, mais ils étaient trop rares). 

Et il faut bien reconnaître que le bilan de l'opération est entièrement positif :
  • La livraison des biens de consommation, autrefois appelés cadeaux, se fait à moindre coût,
  • Le produit commercial Noël™ ® ©, dont l'organisation évènementielle est assurée par la société américaine Endémol, respecte enfin les standards de l'OMC,
  • Des milliers d'enfants cambodgiens, chinois et taïwanais ont désormais un salaire et peuvent enfin travailler plus pour gagner plus (aspiration légitime de chaque être humain, comme chacun sait).
Plus disciplinés, plus efficaces, et impossible à différencier ; les avantages de sous-traiter Noël aux chinois sont évidents.
Seul petit problème, une légère hausse des erreurs dans les expéditions, principalement due à la faible ouverture des yeux des chinois, trop petite pour voir d'un seul coup l'adresse sur le paquet (essayez de vous brider les yeux, et vous vous rendrez compte).

"C'est vrai que le prix a bien baissé, témoigne Emile-Robert Petibidon, mais en même temps, c'est bien normal. Rendez-vous compte, ils bossent à peine un mois dans l'année. En plus, avec l'âge auquel ils commencent à travailler, ils ont la mort retraite à 45 ans. Alors il manquerait plus qu'ils se plaignent !"
"Ça nous a demandé quelques adaptations sur nos produits, au début, se souvient Marie Dredu, vendeuse de pères Noël™ ® © en plastique. Il a fallu passer toutes nos figurines en version jaune-et-bridées. Mais une fois le changement fait, aucun problème ; en plus ils sont plus petits et plus maigres, donc on économise sur la matière première de nos figurines".

Depuis peu, on assiste même a des initiatives nouvelles pour redynamiser l'image vieillissante et poussiéreuse de Noël™ ® ©, et ainsi relancer la croissance. Certaines sociétés, soucieuses de l'environnement, ont constaté qu'une proportion importante de cadeaux ne plaisaient pas à leurs destinataires. En repoussant la date de Noël de quelques jours dans certains pays, ces entreprises peuvent ainsi racheter des cadeaux de seconde main, et les recycler à prix cassés dans les pays pauvres en voie de développement, en prenant une seconde marge sur un produit déjà amorti.
D'autres, comme la société Sexy Noël, parrainée par Roselyne Bachelot (non, je plaisante, bien entendu), n'ont pas hésité à remplacer le Père Noël™ ® © par des figures féminines plus jeunes et plus attirantes.

Sérieusement, vous préférez vraiment un vieux barbu ivrogne, gras et incontinent ?
Un bel exemple qui nous montre que l'action conjuguée des pouvoirs publics, des grandes entreprises et des organismes internationaux peut faire bouger les choses, et permettre que Noël™ ® © reste une activité rentable, pérenne (jusqu'à la prochaine crise), et demeure une fête pour tout le monde.

N'oubliez donc pas d'acheter beaucoup de cadeaux très chers pour relancer la croissance. Et si vous n'avez pas encore d'idées de cadeaux, je vous conseille de lire cet article qui devrait vous donner quelques idées...

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